run away from this shit kid (cass)

« Bébé, ton père ne t’a pas appris à rester à la maison pour aider ta mère à faire à manger ? »

Morgan ne supportait pas ce genre d'homme, ce genre d'être humain. Il n'appréciait pas non plus la remarque machiste du policier. Et l'adolescente non plus, de toute évidence. Il avait à peine eu le temps de relever la tête et les yeux vers eux, à cette remarque, que sa compagne de cellule s'était énervée. Elle avait cracher au visage du jeune représentant de l'ordre. Et si ce geste semblait d'abord exagéré aux yeux du faux blond, il n'allait sans doute pas le lui reprocher. Et puis, entre ça et les coups de poing qui se perdait lorsque Cass s'énervait...

Il préféra ne pas s'en mêler. De toute manière, il ne lui serait d'aucune aide. Son opinion n'avait pas de poids, en ces lieux. Et il pouvait dire sans se tromper, suite à sa rencontre initiale avec la jeune femme, qu'il était loin d'avoir fait bonne impression, de toute façon. Il était donc convaincu qu'elle lui sauterait à la gorge, plutôt qu'au cou, s'il osait ouvrir la bouche et venir à sa rescousse.

Or, son silence ne lui plaisait pas non plus. Le front contre les barreaux, la tornade Shuri continue d'aboyer. « Pourquoi t’as rien fait pour qu’on se casse de là ? » Allongé depuis le départ, Morgan daigne finalement se relever du banc. « Qu'est-ce que t'aurais voulu que je fasse ? » qu'il lui demande, en s'assoyant. « J'sais pas si t'as remarqué, mais je suis du mauvais côté des barreaux. J'ai aucun pouvoir décisionnel, ici. » Ils sont dans le même pétrin. Seulement, Morgan y est parce que ses parents ont préféré l'y laisser. Mais, elle ? A-t-elle fait quelque chose qui ne puisse lui priver de ce droit de sortie ? Il a jamais su ce qui l'emmenait là, en fait.

« T'as eu ton appel ? »

Lorsqu'il lui demande ce qu'elle aurait voulu qu'il fasse, Morgan n'attend pas vraiment de réponse. Il souhaite surtout lui faire réaliser qu'ils n'ont aucun contrôle sur la suite des choses. Les parents du jeune homme avaient préférés le laisser passer la nuit en taule, alors que Shuri s'était mise le policier à dos, perdant son privilège. C'est qu'elle a une grande gueule, la belle manifestante... « Comme tu l'as fait ? Et tu peux m'dire ce que ça t'as donné, au juste, de lui crier dessus ? » Rien. Et bien qu'elle soit bornée, lorsque leurs yeux se croisent, Morgan devine qu'elle sait qu'il a raison. Elle n'est pas idiote. C'est bien la seule chose qu'il sait à son sujet. Et si elle savait que ça ne lui apporterais rien de bon, elle a simplement mal choisi sa bataille.

Elle fronce alors les sourcils et lui balance un commentaire sur la couleur de sa peau. Et il comprend rien, Morgan. Il ignore la raison de sa présence ici et son amour pour les manifestations. Mais, de ce qu'il a vu, il se dit qu'elle voit des conspirations et du racisme là où il n'y en a pas forcément. Le type est sexiste. Ça oui, mais, c'est tout. Il a simplement profité du fait qu'elle était une jeune fille pour la charier. Et puis, faut dire qu'elle démarre au quart de tour.

« Qu'est-ce que la couleur de ma peau vient faire là-dedans ?  » qu'il lui demande, outré. Mais, il devine aussi qu'il s'agit d'un sujet chaud et que le ton monterait bien trop vite s'il continuait. Ainsi, il la questionne et se tait, attendant des explications. Le délinquant sait qu'elle ne pourra s'empêcher de lui répondre.

En attendant, il brise le silence qui s'installe à peine, préférant enchaîner sur les droits de la jeune femme. Elle lui confirme alors qu'elle n'a eu aucun appel. « J'crois que c'est pas une question d'heure... » qu'il lance en se relevant totalement. « T'es mineure, non ? » Il s'avance et passe près d'elle, pour la première fois. Morgan avait préféré l'éviter, jusqu'à maintenant, lui laissant l'espace et le temps de se calmer un peu. « Hey, M'sieur l'agent !? » Morgan devine qu'on l'a entendu, mais le policier l'ignore. Quel acteur! « J'crois pas que ce sois légal de détenir des jeunes comme ça. Elle a le droit à un appel... » qu'il lance, en vain. Faut dire qu'elle a pas aidé sa cause, en leur gueulant dessus et en crachant au visage du policier en poste. « Hey oh! » Mais rien. L'homme en question lève la main, pour essayer de faire taire les deux gamins. Quel condescendance! « C'te con... » qu'il termine, lâchant les barreaux.

Elle se retourne et lui fait face. Et il sourit, Morgan, en constatant comme elle se trompe à son sujet. « Ça aurait été sympa, un sandwich. J'ai comme un petit creux... » Sauf que ça fait un bail qu'elle ne cuisine plus pour lui, sa mère. Il ne se souvient même pas de la dernière fois qu'il a eu droit à un repas chaud en famille. Et puis, c'est sûrement mieux... ça lui évite bien des reproches. « Mais, non. J'crois qu'elle a plutôt payer le type sur qui t'as craché pour l'convaincre de me garder ici l'plus longtemps possible » qu'il blague. En même temps, ça ne l'étonnerait même pas.

Il était étonnamment calme, Morgan. Il avait laissé Shuri crier et s'époumoner pour deux, depuis le début. Et il avait préféré profiter du banc inconfortable, s'y allonger et fermer les yeux. Il avait bien levé les yeux au ciel quelques fois, parfois accompagné d'un ricanement ou alors d'un soupire. Mais il n'était sorti de son silence que lorsque l'adolescente s'était mise à lui reprocher de n'avoir rien dit. « T'as surtout diverti ce policier, et rien de plus. Tu lui as donné ce qu'il voulait. Ça aurait été préférable de te taire. Tu l'aurais bien mis en colère. L'indifférence est parfois la pire chose... » qu'il lance vainement. Vainement, parce qu'elle est têtue et fermée. Rien que la manière dont elle se tenait le démontrait. Elle avait croisé les bras contre sa poitrine.

Lorsqu'elle soulève la couleur de sa peau, qu'elle l'attaque parce qu'il est blanc, il secoue la tête. Il est outré, mais il ne s'énerve pas. Pas encore. « Tous ? C'est majoritairement des blancs qui t'enseigne, non ? Ils sont stupides ? Tes meilleures amies, elles sont blanches, non ? Est-ce qu'elles sont stupides ? » Il a relevé la tête, s'est assied déjà. Mais, à présent, il plonge son retard dans le sien et ne la lâche plus. Elle s'éloigne un peu plus, appuyant son corps contre les barreaux. « T’es blanc, t’es pas un voyou pour l’autre. » Et il s'esclaffe. « Pas un voyou ? Mais tu sors d'où, toi ? » Il était bien trop connu dans ce commissariat. C'est bien comme ça qu'il était vu, Morgan. Un voyou, un délinquant. Il n'était que ça aux yeux de beaucoup trop de citoyens. « J'ai eu un quelconque privilège, peut-être ? J'suis encore là, non ? » qu'il clame, plus qu'il ne questionne.

Malgré tout, il tente tout de même de lui obtenir un coup de fil. Elle y a le droit, après tout. Mais, ça aussi, c'était peine perdue. Après s'être fait crier des insultes et cracher au visage, le policier ne voulait plus rien avoir à faire avec elle, voir avec eux deux. Indépendamment de ses commentaires déplacés, est-ce qu'on pouvait vraiment le lui reprocher ? Morgan ne répond donc pas à la question de l'adolescente sur son âge. Il croise simplement son regard, avant de regarder droit devant lui, tentant d'obtenir une dernière fois l'attention de l'agent de police, qui n'en a rien à faire.

S'il croyait obtenir un moment de répit relativement à l'ouragan Shuri en étant franc, il n'obtient que des moqueries. Et il en a marre. Cass, il essaie, mais il perd patience.

« Tu tu t'la ferme jamais ? Fuck, t'es stupide ou quoi ? » Il lui laisse un quart de seconde, pour réfléchir avant de continuer sur le même ton. Celui qu'il a levé. « La seule qui soit raciste, ici, c'toi! » qu'il lui balance en retournant s'asseoir sur le banc. Il se demande bien comme elle fait, Iggy, pour la supporter.

« J'en sais rien de ce qu'elle fait, j'suis enfermée ici avec une pseudo militante à la con. » Déjà à bout de nerf, il n'en peut plus de l'entendre, la petite. « Et la tienne, elle travaille en cuisine ? Ouais, parce que forcément, si tous les blancs sont pareils, et que tes putains de stéréotypes et préjugés sont vrai, ceux sur les noirs aussi, non ? » qu'il ajoute, ignorant sa nouvelle pique. Il préfère l'attaquer à son tour. Peut-être qu'elle se réalisera comme c'est con, de généraliser.

Shuri fixait Morgan. Elle le suivait des yeux, quoi qu’il dise et quoi qu’il fasse, sans vraiment écouté ce qu’il avait à dire. Elle attendait uniquement qu’il se taise, pour répliquer la première bêtise qui lui passait pas la tête. Cette fille ne s’arrêtait jamais de parler. Elle était en constante insurrection. Elle était épuisante. Malgré tout, le jeune homme prenait le temps de lui répondre, essayant de la ramener à l’ordre. Mais, c’était peine perdue. La militante ne réalisait pas qu’elle se battait inutilement et contre la mauvaise personne. Le gardien n’en avait rien à faire, il s’en amusait et ne retiendrait aucune de ses paroles. Au contraire, elle deviendrait sans aucun doute l’énergumène folle furieuse de ses prochaines anecdotes. Et sa famille s’amuserait à leur tour au réveillon de Noël, une fois l’histoire amplifié et racontée. Mais, en attendant, elle continuait de déblatérer sur tout et n’importe qui. Surtout sur Morgan et "sa race". Propos racistes et contradictoires, ce qu’elle refusait toujours de voir. Morgan secoue alors la tête, exaspéré. D’autant plus qu’elle ne s’arrêta pas là. Il n’eut même pas le temps de lui faire savoir qu’il n’était pas d’accord et qu’encore une fois, tout n’était pas blanc ou noir. L’indifférence et les conflits n’ont rien à voir. Or, le Cassidy réalise bien vite qu’il aurait été inutile de lui expliquer son point de vue à ce sujet puisque Shuri, de toute évidence, était en conflit avec la terre entière.

S’il est prêt à se taire et la laisser critiquer et débattre seule, il ne peut néanmoins rester indifférent à sa nouvelle réplique. Parmi ses copines, il y a aussi la sienne. Sa Iggy et il ne peut accepter d’elle ou de qui que ce soit d’autre, de tel propos au sujet de quelqu’un qu’il aime. Sa Iggy n’est pas stupide. C’est une jeune femme forte et impulsive qui fait des erreurs, parfois, comme tout le monde. C’est tout. Par contre, Shuri vient lui prouver une fois de plus, qu’elle l’est possiblement, elle. Idiote. Elle qui prétend être entourée d’imbéciles. « Ouais… T’as sûrement raison. Ces profs, là, qui croient en toi et voit quelque chose de plus qu’une gosse idiote qui crient des stupidités, qui croient que t’as un quotient intellectuel plus élevé qu’une perruche trisomique… Ils sont cons de croire que tu pourrais faire des études. C’est que des imbéciles. Et Iggy, qui te défend et te soutient contre vent et marée… Je l’avais jamais vu comme une imbécile, mais, à bien y penser… C’est vrai. Elle est stupide de pas t’avoir jetée, plutôt que de rester à tes côtés » qu’il lance indigné en secouant doucement la tête. Pas la peine d’ajouter qu’elle est une amie minable, leur amie la belle blonde lui a suffisamment parlé des autres têtes pensantes de son trio infernal pour qu’il sache que la jeune prisonnière n’est pas aussi bête qu’il l’insinue.

Jusqu’à maintenant, ils s’étaient retourné chaque fois la balle, sans jamais dépasser les bornes ou presque… Si la majorité des dires de Shuri semblaient à la limite de l’acceptable pour Morgan, cette dernière voyait les choses différemment lorsqu’elles sortaient de sa bouche. Seulement, quand elles la concernaient et venaient d’un autre… Elle trouvait cela bien moins amusant. Elle se retrouva donc contre le brun, le plaquant, par surprise et contre le banc. Allongé de tout son long, l’adolescente le chevauchait. Son regard était noir. Elle avait des couteaux plein les yeux. Et lorsqu’elle lui demande ce qui lui est arrivé pour qu’il se déchaîne verbalement, Morgan ouvre la bouche, tentant de lui répondre spontanément. Toutefois, il n’a pas l’opportunité de se moquer d’elle et de retourner le tout à son avantage puisqu’elle le fait taire en agrippant de sa main, sa mâchoire barbue de quelques jours. Shuri le presse alors de ne plus dire un seul mot. Elle prétend qu’il ne sait rien et qu’il confond tout. Morgan n’est pas d’accord, au contraire alors, il secoue à tête, à défaut de pouvoir le lui dire.  

« Tu connais rien des noirs » qu’elle lui dit en s’approchant un peu plus de son visage. La main de la jeune femme lâche par le fait même le visage de Cass et la pose contre le mur. « Et tu sais tout des blancs, c’est ça ? » N’importe quoi. Il va finir par croire qu’elle est soit idiote, soit folle, voir amnésique. « T’es sérieuse ? » qu’il demande en s’esclaffant. « T’as la mémoire courte. Tout ce que tu fais depuis qu’t’as mis les pieds ici, c’est ça. Hurler et insulter tout ce qui bouge. Incluant ma mère et moi. Tout ce que j’ai fais, c’est te retourner l’appareil, gamine. Mais, c’est moins amusant, n’est-ce pas quand ça nous concerne ! » Il s’arrête un instant, plongeant son regard. « C’est dommage, quand même, que tu sois aussi insupportable. T’es plutôt jolie quand t’as pas le visage déformé par la colère et les cris » qu’il lance, approchant un peu plus son visage de celui de Shuri.