notice me (tamsin)

Les deux derniers mois passés ont permis à Lucas d’oublier ce qu’était sa triste vie l’an dernier au lycée, mais la sonnerie de son réveil en cette journée de rentrée, lui a remémoré ce qui pourtant semblait être un lointain souvenir désagréable. Malheureusement, il doit s’y rendre malgré tout et doit continuer à supporter le calvaire que lui inflige le lycée privé de golden oak. Il le fait pour son père, sa mère et son beau-père même si considérer ce dernier ne l’enchante pas. Enfiler de nouveau l’uniforme n’est pas une joie non plus. Il préférait l’époque où une lessive, tous les deux jours, n’était pas nécessaire, parce qu’ils n’ont pas été capables de donner 5 tenues différentes à l’ancien silver. Les yeux rivés sur sa silhouette dans le miroir de sa salle de bain, il se demande si les choses seront différentes cette année. Il aimerait pouvoir modifier son corps pour renvoyer une image différente de celle de l’an dernier. Il aimerait être plus musclé, et montrer aux autres qu’il a confiance en lui mais il est trop tard pour regretter le fait de ne pas avoir passé l’été à la salle de sport. Il est déjà l’heure de retrouver ses camarades de classe.
Lucas arrive au lycée et se souvient particulièrement de tout ce qu’il déteste dans cet endroit. La longueur des couloirs, les lumières blanches des hauts plafonds, les attroupements d’élèves devant l’école, la couleur de son casier, les messes basses des élèves lorsqu’il s’avance vers celui-ci, ou encore l’absence de présence humaine au troisième étage après la fin des cours. Il n’a mis qu’un seul pas dans l’école qu’il a déjà envie de faire marche arrière. Il craint les bousculades, les menaces, les humiliations dont il a été victime l’année précédente et pourtant n’a d’autres choix que d’y faire face. Il constate toutefois une chose positive dans le fait de retourner en classe : elle.

Tamsin vient désorienter ses sens, réveiller son adolescence.
Quand elle apparaît, il oublie tout le reste. Ses angoisses, ses craintes disparaissent. Il ne voit qu’elle au milieu de tous les autres. Son aura l’illumine lui et probablement bien d’autres. C’est la première fois que Lucas ressent ce genre de choses pour qui que ce soit. Avant qu’il ne la voit il s’en fichait des filles, de l’amour et des sentiments. À l’opposé de ses préoccupations, il préférait se concentrer sur sa propre personne. Mais elle est arrivée dans sa vie et a chamboulé son monde d’une simple demande. Ses devoirs. Une demande logique quand on y pense. Il est bon élève, elle est très occupée. Il a besoin d’être rassuré, elle a envie d’exister. Et puis d’une demande accomplie, des regards sont nés. Ils se sont parlé avec les yeux jusqu’à en avoir l’air bête. D’un bout à l’autre du couloir, elle a fini de lui injecter son venin enchanteur, le rendant totalement envouté par toute son existence. Jusqu’à aller passer son été à stalker son compte instagram et éprouver un pincement au coeur à chaque photo postée lui rappelant qu’elle est destinée à un autre homme. Alors il se contente de peu depuis toujours : un regard, un sourire de l’autre bout du monde, en attendant qu’elle rejoigne le sien pour lui demander de réaliser un autre de ses devoirs.
Alors Tamsin est là, plus belle que jamais mais surtout plus entourée que jamais. Ses copines, son copain, tout le monde est là et l’été n’a rien changé à cela. Il ne peut s’empêcher de ressentir un apaisement en réalisant qu’il va encore pouvoir profiter d’elle une année. Une année avant qu’elle ne vague vers d’autres horizons. Et même si profiter est un bien grand mot pour un garçon qui finalement ne fait que mater, il s’en contente car, une fois de plus, le jeune homme se contente de peu. Il espère juste que l’été n’a pas été assez long pour qu’elle l’oublie ou qu’elle n’ait plus besoin de lui.

L’arrivée escortée de la jeune fille n’est certainement pas un bon moment pour que Lucas se fasse remarquer. Il agit donc comme il l’a toujours fait, ses gestes sont presque devenus une routine pour lui et la coupure forcée par les vacances d’été ne lui ont pas fait oublier ses vieux réflexes. Il ouvre son casier, récupère ses bouquins, les entasse dans son sac et referme le tout avant de se rendre directement à son premier cours, avant même que la sonnerie n’ait eu besoin de le rappeler à la plupart des élèves. À la première pause, il s’invente une envie d’uriner pour éviter de devoir passer le temps seul dans les couloirs ou la cour principale, alors qu’en réalité il passe généralement ces 15 minutes à écouter de la musique et dessiner assis sur des toilettes, la cuvette refermée. Il surprend parfois quelques conversations pas franchement brillantes mais préfère en oublier la moitié pour éviter d’en développer une certaine paranoïa. À la pause-déjeuner, il file récupérer son repas au réfectoire pour finalement en laisser la moitié sur son plateau et rejoindre directement son professeur de psychologie, quand il est là, pour manger ce qu’il a pu emporter de son plateau, avec lui. Quand il n’est pas là, il se trouve un autre coin : la bibliothèque, une salle de cours vide, les toilettes du troisième étage, ... bref il essaie d’éviter de devoir rester au réfectoire, lieu où tous les autres élèves se retrouvent pour manger. Il retourne ensuite en cours vers 13h30 et poursuit exactement comme il la fait le matin. Puis, arrive la fin des cours et c’est le moment de libération pour Lucas. Tout le monde rentre chez soi, sauf lui et deux trois autres camarades.
C’est le seul moment où il peut apprécier le lycée à sa juste valeur. Il peut profiter de toutes les infrastructures mises en place, et apprécier son temps libre pour travailler sur les cours du lendemain, parce qu’après tout c’est comme ça qu’il arrive à garder le rythme. Cela a beau être le premier lundi de l’année, Lucas ne déroge pas à la règle. Son emploi du temps est encore incertain, les devoirs pour le moment sont inexistants mais peu importe. Il préfère se réfugier à la bibliothèque plutôt que de rentrer chez lui. Il s’installe sur une table et se sent protégé par les deux panneaux qui partent de l’angle en haut à droite de la table et le cache d’une partie de la pièce quand il couche sa tête sur la table. Ici, seuls ses plus proches amis savent qu’il y traîne après la fin des cours et Dieu sait qu’ils sont peu nombreux. Toutefois c’est ce qu’il se disait avant de la voir, elle, s’approcher de lui. De la même manière qu’une scène de film, il croit d’abord rêver en voyant sa silhouette floue puis au fur et à mesure qu’elle s’approche son rêve devient réalité et sa vision devient claire. Tamsin est là, seule cette fois. Lucas se redresse et détourne son regard d’elle afin d’éviter qu’elle ne le remarque. À moins qu’elle ne soit là pour lui, et dans ce cas-là, elle l’aurait évidemment déjà remarqué.