ice cream & drama (antigone)

Lorsqu’Antigone lui avait proposé une discussion autour d’une crème glacé, Camila avait eu du mal à se défiler. Lors des journées chaudes d’été, c’était une activité qu’elles aimaient bien faire, surtout après un entrainement de dingue. La capitaine les avait poussées à bout, conséquence de sa mauvaise humeur. Camila ne sentait presque plus ses jambes, mais c’était une sensation qu’elle connaissait et qu’elle avait étrangement appris à apprécier. Les joues encore rougies par l’effort, yogourt glacé à la main et bien calée sur un banc sous un parasol, elle observe les clients du marchand de glaces, des adolescents pour la plupart, ou des vieux. Il y a un ou deux enfants, ce qui lui fait penser à ses sœurs et son frère. Soupir. Elle devra aller chercher les deux plus jeunes aux jardins d’enfant, sa mère travaille tard aujourd’hui. Un des gosses échappe sa glace ce qui la distrait, et elle se met à ricaner, ses pensées précédentes évaporées, comme de la brume. Elle rigole encore toute seule quand Antigone la rejoint, sa propre crème glacé à la main, et Camila s’arrête, un peu gênée. Pas d’avoir été prise à rire seule, ça, ça lui arrive tout le temps, mais d’être seule en présence de Tiana et de son regard, Tiana et sa force intérieure, Tiana et ses opinions divergentes. Ça l’intimide un peu, parce qu’elle sait très bien que elle, elle n’a rien de tout ça. Se redressant un peu, elle trinque son gobelet contre celui de Tiana.

« À notre vie, j’ai cru qu’on allait toutes y passer ! » Ton dramatique, mais lueur dans les yeux prouvant qu’elle plaisante. Tout en mangeant sa première bouchée, mon dieu que c'est bon, elle se met à parler, elle est classe comme ça. « Mon contrôle de math aujourd’hui j’te jure, j’ai rien compris. Genre en voyant que j’arrivais pas à répondre à la moitié des questions de toute façon j’ai préféré faire une sieste. » Petit rire accompagnant sa déclaration, insouciante et insolente, les répercussions que peuvent avoir son peu de sérieux scolaire ne lui vienne même pas en tête. Ce qui lui vient en tête, c’est qu’elle était fatiguée ce matin après avoir bossé tard au restaurant. Ce qui lui vient en tête, c’est qu’elle comprend rien aux maths et que cette matière l’emmerde de toute façon. Ce qui lui vient en tête, c’est qu'elle veut à tout prix éloigner la conversation le plus loin possible de l’équipe de cheerleading, ou de ce qui s’est passé à cette soirée. C’est mieux pour tout le monde ainsi.

Tic Tac. Le temps accélère. Un pas devant l’autre. Ses jambes font mal, conséquences de l’entraînement d’aujourd’hui, trop dur. Une sensation qu’elle connaissait bien. La fatigue après un entraînement. Un rude entraînement sous le soleil tapant. Antigone j’avais bien vu le soleil, elle avait bien vu l’été arrivé. Le jour se fait plus long.  La nuit est plus courte. Mais toujours vingt-quatre heures pour une journée. Et la journée n’est pas terminé. Tic Tac, il faut se dépêcher. Tic Tac, tu es en retard.

Antigone avait proposé à Camila d’aller prendre une glace au marchand de glace qui se trouve au centre de la ville, juste après l’entraînement. La jeune fille avait accepté, mais Antigone avait oublié son argent chez elle. Obligé de rentrer. Perdu dans le labyrinthe qu’on appelle chemin. Elle retrouve enfin la route vers la suite de son destin. Une belle petite coiffure. Un détail parmi tant d’autres. Elle s’arrête devant l’entrée. Une petite brise passe et fait bouger sa chevelure. Une mèche devant les yeux. Antigone sourit. Un détail parmi tant d’autres.

La jeune fille qu’on appelle aussi Tiana pousse enfin la porte d’entrée. Elle balaye du regard les clients en train de commander leur glaces. Pas là. Elle observe ceux qui discutent, attendent, mangent. Là. Elle remarque Mila en train de penser. Elle ne va pas la déranger maintenant. Son amie est en rendez-vous avec ses pensées, elle ne va pas les déranger. Elle se dirige directement vers l’endroit où il faut passer les commandes. Elle prend comme d’habitude. Jamais elle ne changera cette habitude là. Fraise. Citron. Douceur. Amer. Un dernier sourire au vendeur en prenant sa commande, Antigone va maintenant vers Camila. Cette dernière rit. Antigone ne sait pas pourquoi. Elle ne le saura pas non plus. Rendez-vous avec ses pensées. Tiana s’assoit, en face de sa camarade. Son regard simple. Son regard à elle. Trinque à ta façon.

« À notre vie, j’ai cru qu’on allait toutes y passer ! » Cette remarque la fait sourire. Légèrement. Pas un vrai sourire, un sourire à la Antigone. Toujours à la Antigone. « J’y ai cru aussi, à chaque entraînement. C’est toujours aussi sévère avec la capitaine, c’est penible à force. Peut être qu’elle a ses règles en ce moment, mais j’irais pas vérifié. » Son humour pas drôle, c’était quand même son humour. Elle prend une bouchée de glace. La fraise pour commencer. « Mon contrôle de math aujourd’hui j’te jure, j’ai rien compris. Genre en voyant que j’arrivais pas à répondre à la moitié des questions de toute façon j’ai préféré faire une sieste. » C’est du Camila tout cracher ça. Mais il y a des choses plus grave dans la vie. Dans leur vie. C’est peut être que des adolescentes. Des lycéennes. Mais quand l’alarme de justice est activée dans le cerveau de la Vasilis, c’est un problème à régler. Il faut parler.   « Mince, si tu veux, je peux t’aider un peu sur ce que je connais en maths. » Un morceau de glace au citron. « Ça t’arrive de repenser à la soirée ? » Et la roue est tournée. Plus qu’à savoir sur quoi va-t-elle s’arrêter.

Assise avec ton amie, vous vous plaignez de l’entraînement même si dans ton cas, tes plaintes ne sont pas trop sérieuses. Si, l’entrainement avait été chiant, mais tu savais aussi très bien que tu retournerais au prochain, avec impatience. Antigone évoque l’hypothèse que c’est peut-être parce que la capitaine avait ses menstruations. Tu sais très bien qu’elle blague, à force d’avoir passé du temps ensemble, tu sais reconnaître son humour. Elle ajouter qu’elle n’irait pas jusqu’à vérifier, ce à quoi tu réponds du tac au tac. « T’es certaine ? T’as pas envie de voir ses petites culottes ? De l’espionner à travers la cabine pour voir si elle met un tampon ?» Tu hausses les sourcils suggestivement, sourire taquin aux lèvres. C’est ensuite un sujet complètement différent que tu abordes, celui de ton contrôle de math durant lequel tu t’es assoupis. Antigone, gentille Antigone, te propose son aide.

« Ça serait pas de refus ouais. » Tu t’entends accepter, même si tu sais tout au fond de toi que ça n’y changera rien. Côté scolaire, t’es complètement paumé. Tu remets tout à plus tard, te disant que de toute façon l’année s’achève. L’an prochain tu te reprendras. C’est ce que tu te dis à chaque année, mais ça c’est un léger détail. Tu préfères te concentrer sur le présent, les choses qui importent vraiment. Comme ton père qui... Non, pas ton père. Ton yogurt glacé est un sujet plus sûr. En plus c’est bon les yogurts glacés, c’est cher, mais c’est bon. Ou bien cette soirée. Qu’évidement Antigone décide d’aborder. Tu change de position sur ton banc, un peu mal à l’aise. Tu sais où elle veut en venir. C’est exactement où toi tu ne veux pas.

« Va falloir que tu précises laquelle chérie. » Ton taquin, avant de lécher ta cuillère. Sourire toujours aux lèvres. Tu souris tout le temps Camila, même quand faut pas. Parce que c’est tellement plus facile. Plus facile que de voir la vériter en face. Tu fais l’autruche. « La plupart du temps je suis tellement bourrée que j’oublie.» Mensonge à moitié, t’es souvent bourrée, mais jamais assez pour oublier. Enfin, pas souvent. Bon d’accord, ça t’arrive, mais pas à cette soirée. Lorsque l’incident s’est produit, t’étais presque sobre. Tu sais que le sujet est inévitable, mais tu préfères quand même tourner au tour du pot. Le jeu du chat et la souris, ça te connait. Mais devant les yeux déterminées d’Antigone, tu sais pas si tu pourras résister encore longtemps.

Se plaindre, de la vie, de la mort, de l'amour. Autour d'une glace c'est toujours mieux. En compagnie d'une amie, c'est encore mieux. Surtout si la plainte est partagé. A deux, le monde est mieux. Parler de la vie intime de la capitaine, c'est gamin. Tu es une gamine, Antigone, parce que tu continues sur ce sujet. Vive l'adolescence. « T’es certaine ? T’as pas envie de voir ses petites culottes ? De l’espionner à travers la cabine pour voir si elle met un tampon ?» Rien de sérieux dans les questions de Camila, toujours des enfants. Enfant terrible. Tu grimaces à cette vision. Vérifier les sous-vêtements de la capitaine des cheerleader n'était pas dans ses plans. Ni dans le plan A. Ni dans le plan Z. « Certaine, oui ! J'ose même pas imaginer ça ! D'ailleurs, tu ne trouves pas que la capitaine n'a pas un peu grossis ? » Continue tes enfantillages, profites de ce moment, car chaque seconde est une nouvelle petite lumière d'allumer, une bougie qui commence à bruler.

1+1=2, ça, tu le sais depuis la nuit des temps. Mais le soleil commence à se lever. L'aube du monde. La lumière chaude. Si tu pouvais aider ton amie, alors tu le ferais. Tu ne veux pas l'abandonner dans le noir quand le jour se lève sur les belles plaines de l'avenir. « Ça serait pas de refus ouais. » Même si elle aurait refuser, tu serais arriver avec avec ton livre d’algèbre chez elle pour l'aider, lui tendre la main. Avant que tu ne la perdes de vue aspirer dans les ténèbres. «  Tu me dis où tu as vraiment du mal en maths, et j'arrive à la rescousse. » En espérant que ça marche, allez chercher les lampes torches.

Tu l’entendais mais tu n’avais pas envie de l’entendre. Le message de pitié crié par Camila. Une demande. Ne pas poser le pied sur cette terre. Une terre sèche et tremblante. Pourtant, elle t’appelle, cette terre. Un pas détruira tout. Elle est fragile cette terre. Certains marchent après leur destin, d’autres courent, mais toi Antigone, tu voles. Espérant que tes pieds ne toucheront pas le dangereux sol, et que tes ailes ne fondront pas.

« Va falloir que tu précises laquelle chérie. » Tu sais qu'elle ne veut pas en parler, faire comme si rien de tout ne s'était passé, juste un malheur souvenir. Un méchant cauchemar. Mentir à ta morale ou assumer tes erreurs à importe quel prix, tu avais déjà choisis. Tu veux maintenant connaitre le choix des autres, le choix de ton amie.  « Devine, Mila, je sais que tu vois où je veux en venir. » Ton regard est d'une douceur inconnue à ce jour. Tes mots, d'une émotion sincère. Tu te dévoiles, les armes posées à terre. Ton cœur bat, toujours. Tu as posé un flingue dessus. Il ne reste plus qu'à voir si Camila va tirer en plein dans ton cœur ouvert, ou si elle va baissé l'arme.

Si le monde n’a jamais été là pour toi, alors tu seras là pour le monde.

Assise sous un des parasols tu te sens bien à plaisanter avec Antigone. C’est comme si le malaise que tu sentais en sa présence depuis quelques temps disparaissait pour vous laissez seules toutes les deux, comme avant. Elle continue sur la lancée de vos plaisanteries en disant qu’elle trouve que la capitaine a grossi, ce à quoi tu ne peux te retenir de pouffer de rire devant sa franchise. Pour le coup tu ne sais plus trop si elle blague, mais tu te rappelles qu’elle n’a pas la même relation avec la capitaine que toi. « Grossie ? Naaah, tu confonds avec moi. » Tu préfères te tourner vers l’auto-dérision, gonflant ton ventre afin qu’il soit bien rond avant de pouffer de rire à nouveau en le frottant comme une femme enceinte le ferait. Tu sais bien que tu n’as pas pris un gramme. Tu adores manger oui, mais le sport compense ce surplus. La discussion  tourne ensuite vers tes lacunes en math où Antigone voudrait t’aider. T’aimerais bien lui dire que c’est pas la peine, que de toute façon t’es déjà foutue et que ça t’intéresse même pas, mais tu la connais, et tu sais qu’elle te lâchera pas. Et au fond, même si tu ne le réalises pas totalement, tu lui en ai réellement reconnaissante. Elle te demande en quoi tu as du mal, réponse que tu trouves évidente et ça parait sur ton visage.

« Euh tout ?! Sans blague Tiana, j’suis un cas désespéré, mais si t’es prête à affronter ça alors ouais je dirais pas non.» Tu te ranges finalement du côté de la raison, une amie que t’apprécies qui te propose de l’aide dans un truc que tu détestes, c’est joindre l’utile à l’agréable. En plus tu viens d’avoir une pensée horrible, celle d’avoir à te retaper le cours avec des plus jeunes et la même vieille prof. Pas du tout une vision de rêve. Tu regrettes aussitôt lorsque ce sujet de conversation se termine, surtout parce que le prochain concerne un truc que tu ne veux pas aborder avec elle. Tu préfères faire comme si rien ne s’était passé, tu feins l’innocence. Tu feins jusqu’à ce qu’elle ne te laisse plus le choix. Jusqu’à ce que ses mots se fassent doux et implorants. Malgré ce que t’aimes te dire, t’es vraiment pas la plus persévérante et tu flanches déjà. Elle voulait en parler ? Soudain c’est comme si tout ce que tu gardais en toi, tout ce que tu discutais avec les autres filles de l’équipe, toutes sauf elle, toutes tes inquiétudes, tout ça monte d’un coup. Antigone aurait ce qu’elle voulait. Tout ça sort tout seul, tes mots s’entrechoquent sans faire de jolies phrases, mais au moins tu ne fais plus semblant.

« Tu peux rien dire Tiana ok ? Ça nous foutrait toutes dans la merde. Toutes. » Peux. Le verbe pouvoir, ou plutôt ne pas pouvoir. Tu lui donnes même pas le choix. Tes mots sont durs, tes mots sont tranchants. Tu prends pas de pincettes, plus maintenant que t’as vu que le sujet est inévitable. Tu continues dans ta lancée. « T’imagines ce qu’on pourrait risquer ? T’y as pensé j’espère ? T’as pensé qu'elle pourrait nous amener en cour si ça lui chante ?» Drama-queen ? Peut-être un peu, mais t’es alarmés, ce sont toutes tes inquiétudes qui surgissent et tu ne sais plus comment t’arrêter. « Tu penses que j’ai les moyens de payer un avocat ? On a pas tous un père qui travaille à Broadway.» Toi ton père, on l’a déporté au Salvador. Ouais, vous avez vraiment pas les moyens, ni le temps pour ce genre d’incident. Tu reposes ton gobelet, le silence s’installant entre vous deux. Tu lèves les yeux et croises son regard. Tu sais qu’elle est déçue et que t’as été dure. La douceur, les nuances, toi tu maîtrises rien de ça. Toi c’est tout ou rien. Tes pensées aussitôt crachotées ou des plaisanteries pour les cacher. « Écoute, c’est juste que les répercussions m’inquiètent beaucoup. » Tu t’essaies à la délicatesse, même s’il est sans doute un peu tard.

Si le monde pouvait être aussi simple qu'en ce moment. Aussi simple que deux rires d'amies chantant sous un parasol d'une boutique de glaces. La vie serait rempli de bonheur, de joie, et d'amour. Des choses qui te sont presque interdites. Comme si ton prénom était une malédiction depuis des générations. Pourtant, c'est une faible excuse de dire cela. Un pur hasard. Voilà tout. Tu souris. Encore une fois. Une fois de plus mais jamais de trop. Autant avoir des rides dans le futur mais souris. Il va bientôt disparait ton sourire. Peut être à jamais. Peut être pas. « Grossie ? Naaah, tu confonds avec moi. » Tu envies Camila. Tout le monde l'aime. Tout le monde aime les jolies et gentilles cheerleaders. Toi, tu n'es ni jolie ni gentille. On te l'a souvent dit. Antigone, l’extraterrestre qui est tombé chez les cheerleaders. Aucun sens. « Mm, peut être aussi. J'aurais du te demander d'aller à la salle de sport au lieu du glacier ! » Continue et vis avant que la balle arrive jusqu'à ton cœur.

Tu finis ta glace à la fraise, le gout doux. Il ne te reste de le citron. Amer. Mais tu aimes ça. « Euh tout ?! Sans blague Tiana, j’suis un cas désespéré, mais si t’es prête à affronter ça alors ouais je dirais pas non.» Un dernier regard sur le bateau. Camila. Retourne-toi. Elle coule. Antigone, tu coules. Doucement. Tu savais déjà que ton navire tentant la dérive. Tu espérais simplement ne pas être la seule à devoir nager dans la mer de larmes ensuite. Un signe. A l'aide. « Tu peux rien dire Tiana ok ? Ça nous foutrait toutes dans la merde. Toutes. » Ton sourire n'est plus qu'un lointain souvenir. Mais tu dois faire quelque chose. Pour elle. La pauvre qui ne connait même plus son passé. Elles mentent. Toutes. Elles mentent à leur conscience, à leur moral, à leur humanité ? Pourtant, peux-tu leur en vouloir ? Ce ne sont que des adolescentes, de petites filles courant jouer à la poupée qui voyaient leur enfance disparaitre, morceaux par morceaux, comme un papier qu'on brulerait à la cheminée.   « Mila, s'il te plait, Mila. Ce n'est pas toi la coupable. Ni Alma. Ni moi. Seulement Aspen. C'est Aspen, le poison qui circule dans tes veines jusqu'à ton cœur. Fais attention, Mila, car ce poison se transforme en cancer. » Tes paroles sont sèches. Tes yeux brillent de milles feux. Tu ne veux pas être méchante avec ton... amie ? Lui faire comprendre. Voilà est ce que tu veux. « T’imagines ce qu’on pourrait risquer ? T’y as pensé j’espère ? T’as pensé qu'elle pourrait nous amener en cour si ça lui chante ? » Elle a peur. Tu n'as pas peur. Plus maintenant. Mais tu sais ce qu'elle ressens. Tu la comprends. Tu aimerais qu'elle te comprenne maintenant. « Tu penses que j’ai les moyens de payer un avocat ? On a pas tous un père qui travaille à Broadway.» Tu fermes les yeux. Une seconde mais c'est trop. Ton bateau a pris un coup, même deux. Une attaque navire. « Je ne vois pas pourquoi tu viens me parler de mon père. Je te parle de dire la vérité à une gamine sur son véritable passé et tu viens me parler d'avocat ? Oui, il travaille à Broadway des fois. J'aurais pu aller à Wave au lieu d'ici mais j'ai préféré ce lycée. J'ai préféré rester avec vous, rester avec toi. » Ta voix s'envole, elle se craque. Tu tentes d'éviter la balle. Tu tentes de la prendre dans ta main, croisant les doigts pour que ce ne soit que du plastique.  « Écoute, c’est juste que les répercussions m’inquiètent beaucoup. » Mais pour l'instant, les répercussions, c'est toi qui te les prends en pleine gueule. Vive la rébellion.

Toi qui étais venue avec l’intention d’éviter ce sujet de conversation, ta détermination n’avait pas tenue très longtemps. Vous voilà au coeur du conflit Tiana et toi. Là où elle souhaite s’élever et agir du côté de la justice, tu préférerais t’abaisser et agir selon tes propres règles. Elle te supplie de l’écouter pendant qu’elle te rappelle que tu n’es coupable de rien, qu’Aspen est la seule responsable, mais alors pourquoi t’as l’impression que c’est un peu de ta faute aussi ? Tu étais présente. Tu as tout vu. Et tu as quand même décider de te taire, ça avait été comme une évidence pour toi. Tiana compare sèchement Aspen a un poison qui se transforme en cancer, ce que tu trouves exagéré de sa part. Si tu avais une conscience mieux développée tu saurais qu’elle n’a pas tord. Après tout, c’est elle qui t’as poussé à humilier tes anciens amis, mais tu es aveuglée par sa lumière, tu n’y vois que du feu. Tu ne vois qu’une fille qui t’as accueilli dans le rang des populaires, qui semble t’apprécier et à qui tu es reconnaissante pour tout ce qu’elle fait. C’est pourquoi tu te contentes de ricaner face à sa métaphore.

« Tu pousses un peu loin là je trouve... Ok ce qu’elle a fait était pas très correct, mais on fait tous des erreurs hein. »

C’est Aspen que tu décides de défendre, même si avec Tiana vous êtes proches. Même si avec Tiana vous faites des films et vous vous amusez comme des folles. Même si avec Tiana vous trainez souvent ensemble quand les cours sont finis. Aspen. Ta réputation. Tes amis. Ta peur des répercussions. Et ça, tu ne penses pas que Tiana le comprend. Pas réellement du moins.

« Et tu penses qu’elle réagira comment exactement lorsqu’elle apprendra ? Qu’elle va nous sauter dans les bras ? »

Ton sarcastique, voix sèche. Non, Tiana ne partage pas tes inquiétudes. Cette histoire pourrait vous amenez beaucoup plus loin que vous ne le souhaitez. Tu sais que toi en tout cas, si ce qui est arrivé à la victime t’arrivait, tu voudrais te venger.

« Je dis ça comme ça, mais c’est pas pour rien qu’elle a perdu la mémoire.» Tes mots sont marmonnés, à peine faits pour être entendu. Si ta tête pense agir correctement, ton coeur dit autrement.

Elle a peut être raison en faite, la justice est inutile dans la vie. Les gamins s'amusent bien à voler des bonbons à un bébé, et on ne dit rien. Juste un petit sourire au coin des lèvres alors que le nourrisson pleure. Les adultes passent bien en voiture même quand le feu tricolore est au rouge. Après tout, le piéton n'était pas encore sur son chemin. Ce n'est pas vraiment une notion de justice en vérité, mais peut être que moral en fin de compte. Ou un mixte des deux. L'enfant blessée a tout oublié de son passé. Un geste de solidarité aurait été de lui raconter la réel cause de cet oubli. Pourtant, elles n'ont pas assumés d'avoir été là, à regarder la capitaine encore usée de son rôle de diva alors que ce n'est qu'une adolescente parmi tant d'autres. Il faudrait que les filles vivent ce qu'elle vit pour bien vouloir lui raconter qu'elle est tombée dans les escaliers à cause de la blonde ? Devenir acteur au lieu de spectateur. Tu fronces les sourcils en voyant la brune en fonce de toi se moquer de toi, de tes paroles peut être un peu trop imagés. Tu n'arrives plus à regarder la petite et de lui mentir, encore et encore. Comme si de simples adolescentes pouvaient choisir la vie de l'enfant. Dessiner son destin comme elles le voulaient au crayon à papier. Toi, tu veux casser ce crayon, et laisse l'enfant écrire la suite au stylo. Oui, tu as raison. L'erreur est humaine mais tu ne trouves pas qu'elle fait beaucoup d'erreurs dans la vie ? Tu soupires en parlant, marre de te combattre alors qu'elle préfère défendre la capitaine. De toute façon, être populaire ou simplement être une cheerleader n'est pas ton truc, mais tu aimais bien parler avec les filles durant l’entraînement. Tu y avais trouver une envie malgré la dureté de ces derniers. Une raison de mettre la tenue, une raison de sourire et de rigoler sur le terrain. Être sur l'herbe verte du stade plutôt qu'assise dans les gradins à regarder. Tu penses toujours à ça, toujours et si elle l'apprends, elle va nous tuer ? Ce n'est pas une petite reine d'une lycée qui règne sur la planète, dans quelques années tout le monde l'aura oublié. Pourtant, je ne pense pas qu'on puisse oublier ce mensonge aussi rapidement que la menteuse. Mais bon, l'avis des autres comptent plus pour Mila que savoir qu'elle a bien fait de révéler les non dis. Grandir ou rester à la cours de récréation.

Antigone et toi vous vous entendez plutôt bien, riez ensemble aux entraînements, trainez ensemble après ceux-ci, pourtant vos différences ne t’avaient jamais autant frappées, jusqu’à maintenant. Tu sais que cacher la vérité à la victime est mal, la preuve, tu te sens tout le temps très mal à l’aise en sa présence. Tu sais aussi que la bonne action serait de tout révéler. Pourtant, c’est à l’opposé que tu agis. Ce serait la bonne chose pour elle, pas pour toi. Parce que toi, qu’est-ce que tu y gagnerais ? Une conscience tranquille ? Pitié, ça fait longtemps que la tienne ne l’est plus et que tu essaies de la faire taire à coup d’arguments stupides. Tiana a raison, t’imaginer un procès est sûrement exagéré alors tu gagnerais disons, une tape sur l’épaule des parents de la fille ? À la limite une accolade de celle-ci. Ce que tu perdrais par contre, aurait bien plus d’impact. L’appréciation des filles de l’équipe. Ta popularité. Puis tu ne cesses de te répéter que sa perte de mémoire ne peut pas avoir été anodine. « Tiana, si tu veux dénoncer Aspen ça sera sans moi. » Tu te fais plus ferme dans tes intentions. Tu n’es pas certaine de ce qu’Antigone attend de toi, mais si ce qu’elle veut c’est te convaincre, ça ne marchera pas. « Et pour ton propre bien, je te le déconseille aussi, crois moi. » Ça, ça vient d’une fille qui subissait les moqueries des autres à l’époque, il y a tellement longtemps que la plupart ne s’en rappellent plus ou ne le savent même pas. Mais toi si. Tu n’as pas oublié ce que c’était être de l’autre côté, et tu ne comptes pas y retourner de si tôt. Tu te mordilles la lèvre, débatant si tu devais dire à quoi tu penses et même si ce n’est pas une super idée, tu le dis quand même. Mâcher tes mots, ça ne te ressemble pas. « Si tu le dis je peux pas... je peux pas te garantir que je vais pouvoir te soutenir après. »

Le temps était bon. Le soleil brillait de milles feux alors que la chaleur du doux vent de la saison soufflait au loin. Si les glaces venaient d'être finies, ou même fondues, le cœur de glace d'Antigone venait de recevoir une fissure. Celle qui commençait doucement. Elle est petite, au début. Elle continue toujours son chemin. Encore plus loin vers la fin de son chemin. Inconnu par le monde. Ressenti par l'intérieur. Figure gelée dans le bronze. Les bons moments sont-ils à effacer pour le bien de tous ou faut-il continuer sa route en se disant comme c'était bien et comme on s'amusait. Parce que c'est comme ça la vie et que rien n'y changera. Même les sentiments. Même les blessures physiques. L'univers dirigé par le destin court à sa fin. Vivre c'est mourir. Mourir c'est vivre. L'antithèse de la vie. La véritable question au point d'interrogation. Toi, Antigone, prénom de tragédie. Preuve qu'on ne choisit pas vraiment ses envies, on suit juste ce qu'il y déjà été décidé. Le lycée a beau bientôt se terminer, la popularité comptera jusqu'à la dernière minute pour certains. C'est vrai que c'est plutôt bien, le goût d'être important pour ceux qu'on appelle les rois ou reines de l'école. Devenir sujet pour être dans la cour et peut être briller un jour. « Je n'irais pas vraiment la dénoncer, mais dire la réalité des choses. » Dire avec des mots, parler à l'enfant qui sent que le monde lui est caché. Tu ne veux détruire la vie de personne. Assumer la passé plutôt qu'imaginer effacer les erreurs dans le secret. « Pour mon propre bien ? Mon bien me fait mal à la morale. Elle ne dirige pas le monde du haut de ses talons rouges. J'aimerais te croire quand tu me le dis, mais qui osera un jour le crier sur les toits de Santa Barbara ? » Le cœur battant rapidement. Arrêt. Marche. Crions tous ensemble. Criez tous ensemble. Crie. « Fais comme tu veux. Je suis triste te voir dépendre d'elle pour être quelqu'un. Tu mérites mieux que n'être une cheerleader de Santa Barbara High. » Des astres tombent du ciel alors que le soleil reste à sa place. Illusion.