2 bros chillin in a hot tub 5 feet apart cause they're not gay

le sol qui se dérobe sous ses pieds. un pas après l'autre. avancer. toujours avancer, ne jamais regarder en arrière, le menton levé et la tête droite. faut pas regarder la vie qui part en couilles derrière. maman éteinte sur le trottoir. maman. ça sonne faux. elle ne l'appelle jamais maman. elle ne l'appelle jamais tout court. elle n'a pas de parent. sa famille, c'est sa ville. elle regarde les enfants qui s'en vont à l'école, ça lui fout un pincement au cœur. elle aussi, elle aimerait bien y aller. mais elle n'a jamais foutu les pieds dans une salle de classe. elle sait lire, quand même. c'est un vieux monsieur qui lui a appris sur son carton en échange de quelques dessins. depuis elle ramasse tous les livres qui traînent. souvent elle ne comprend pas grand chose, mais les mots imprimés sur le papier ça lui fait quelque chose. c'est rassurant. la couleur jaunie des pages, l'odeur qui émane des bouquins. le libraire pas loin l'a remarquée, et tous les vendredi elle sait qu'elle trouvera un nouveau trésor au pied de la devanture du magasin. mais elle ne va pas à l'école. et elle n'a pas vraiment d'amis. qui voudrait bien s'entendre avec une clocharde ? oliver twist des temps modernes, sauf qu'elle n'a pas vraiment trouvé d'gamins des rues comme elle. solitude. sûrement le mot qui résume le mieux sa vie jusqu'ici. pourtant elle s'enfuit toujours quand elle voit les services sociaux arriver. elle veut pas. faut qu'elle continue à voler du pain sinon elle sait très bien que la génitrice ne tiendra pas.
puis un jour elle n'a pas ouvert les yeux. simplement. mais elle n'a pas pleuré. le soleil s'est enfin levé sur nevada city. elle a arrêté de lutter contre la clarté. elle s'est laissée dompter. on l'a enfin regardé comme un môme, un vrai. pas comme une bête des rues. pas comme un déchet. on lui a donné un nom et une maison. on lui a donné une identité, janis boggs. mais on lui a surtout donné une fratrie. plus beau cadeau de sa vie. on l'a accueillie, enfin. et elle s'est sentie aimée. c'est sûrement l'amour qui l'a sauvée. sauvée. pourtant ça aurait pu commencer et finir comme ça, fuir la fatalité mais ne jurer que par la fatalité, se dire c'est ainsi et ainsi va la vie, laisser les jours défiler et tenter de gagner une place dans cette immonde société ou finir par se faire dévorer. mais janis elle a été sauvée. elle sait pourtant qu'elle ne sera jamais en haut. puis elle s'est dit qu'il y a des gens qui ne sont pas fait pour briller. des gens qui sont faits pour rester en bas de l'échelle, pour que ceux qui se trouvent en haut puissent y rester, pour qu'ils puissent regarder la plèbe trimer tous les jours pour se gagner son petit bout de pain. sous ses airs de gamine elle observe mais ne l'ouvre jamais, c'est des trucs de grands ça. puis janis elle n'a pas l'envie de se battre, c'est pas qu'elle n'a pas la rage au ventre janis, c'est qu'elle veut vivre maintenant et se battre pour maintenant pas pour demain. janis ne vit que dans le présent, et janis observe. janis elle aimerait bien pourtant, s'dire qu'elle est née pour briller pas pour rester sage. parce que janis elle a des idées plein la tête. ça fuse, tout le temps. ça va même trop vite pour elle. des vêtements, des sons, des mots. elle garde tout ça dans des tas de carnets empilés dans sa chambre, dont un qu'elle emporte toujours avec elle. janis elle a peut-être de l'or dans les doigts mais elle prend jamais le bon chemin. ou elle fonce tout droit dans le mur.