summer of ‘84.

— teen attitude, teen problems.
(the sinner.)
- j’suis dé il a pas l’temps d’finir sa phrase le gosse. N’a même pas l’autorisation de formuler des excuses potables que le poing de son frère s’écrase contre sa mâchoire. Une embuscade. Voilà ce que c’était. Un piège mortel dans lequel il vient de tomber, ils sont quatre autour de lui, peut-être cinq. La bande au complet pour une histoire de baiser volé. Il se redresse l’israëlien, les mains en avant, un regard de chien battu. Ça suffit pas. Les coups pleuvent, les insultes s’incrustent jusqu’à ses tympans. C’est Donny qui frappe le plus fort, pendant qu’un autre lui tient les bras. Un passage à tabac en bonnes et dues formes. Bientôt le môme est à terre, l’gout du sang dans la bouche, les côtes et les reins martyrisés par des paires de sneakers. Il s’entent pas pleurer de douleur. Il les voit même plus, ses amis devenus bourreaux. Il encaisse, recroquevillé sur lui-même et quand il commence à perdre connaissance on le secoue par le col de son sweat. Ils veulent qu’il regarde, qu’il ne perde rien du spectacle. Il avait pas l’droit de goûter les lèvres de la blonde, aussi fort que son cœur pouvait battre pour elle, il avait pas le droit, c’était dans le contrat. Un pacte invisible signé depuis l’enfance.
Des coups et des insultes.
Pourtant il ne retiendra que les rires gras d’ces gars, le corps inerte gisant dans la pisse.
Il ne sera plus des leurs.
Il deviendra pourriture.

(throw it up)
Le chien galeux s’était excusé à maintes reprises.
Le môme blessé avait courbé l’échine, malgré les ecchymoses sur ses flancs, malgré ses contusions psychologiques.
C’est qu’il ne se voyait pas sans eux. Que son monde entier s’était effondré ce jour-là. Une vie entière gâchée par une pulsion du cœur.
Puis au fil des semaines, au fil des mois, le regret et la tristesse s’étaient transformées en une haine viscérale.
Le cerveau de Moïse était rongé par l’humiliation, ses neurones bouffés par l’injustice.
Ne l’avait-il pas aimé en premier ?
Le visage caché sous la capuche de son sweat, c’est de loin qu’il observe leurs vies. Les mâchoires crispées et le cœur battant la chamade. Une seule idée au fond de son crâne : la vengeance comme exutoire. Il ne supporte plus de les voir sourire, encore moins de les entendre rire. Dans les couloirs du lycée qu’il ne fréquente plus qu’un jour sur deux, il rase les murs en attendant le moment opportun. Il n’y a plus que la rage qui anime son corps, qui dicte chacun de ses gestes. L’gosse est devenu instable, marqué au fer rouge par une soirée funeste.
Ils paieront.
Chacun d’entre eux.