what doesn't kill me better run. fast.

quatrième. elle a fini quatrième. si elle avait fini deuxième, ou encore troisème, ça aurait été. elle s'en serait quand même pris plein la gueule, mais elle aurait pu tenir. elle aurait quand même été sur le podium, elle aurait reçu un petit prix que sa mère aurait pu exposer à côté des autres à la maison. mais quatrième... "tu sais pourquoi tu as fini quatrième, queen ?" la voix mielleuse, doucereuse, qui essaie de l'engluer sans qu'elle s'en aperçoive. un accent presque maternelle - presque - qui cache le tempérament explosif, l'ouragan qui arrive et qui détruit tout sur son passage. "parce que... j'ai pas assez souri ?..." artemis lance un regard inquisiteur vers sa mère, essaie de trouver la réponse, du haut de ses six ans. sa mère lui sourit. un sourire glaciale, carnassier, qui ne présage rien de bon. "non queen. ça tu sais très bien le faire. c'est tout simplement parce que tu as parlé comme une petite idiote, une petite cruche qui ne déverse que des débilités à en faire saigner les oreilles. et tu sais ce qu'on fait aux petites filles qui ne disent que des bêtises ?" elle sort un verre de derrière elle, alors que la petite artemis hoche la tête de gauche à droite, lentement, incertaine de ce qui va lui arriver. sa mère rempli le verre avec quelque chose qui ressemble à de l'eau, mais qui vient d'une drôle de bouteille. elle essaie de déchiffrer l'écriture sur le côté. eau de javel. "on leur nettoie la bouche pour leur passer l'envie de dire des conneries. avale." artemis attrape le verre, pas sûre de ce qu'elle doit faire. après tout, ça ressemble à de l'eau, non ? mais son instinct lui dit qu'elle doit se méfier. c'est sa mère après tout, et quand sa queen perd, elle n'est pas du genre gentille. "je t'ai dit d'avaler ce verre. maintenant fais le si tu ne veux pas que je te le fasse boire de force, queenie." elle approche le verre de sa bouche, trempe les lèvres... on est très loin de l'eau. une grimace de dégoût vient déformer son jolie petit minois. elle lance un regard suppliant à sa mère. "jusqu'à la dernière goûte." elle ferme les yeux, prends une grande inspiration... et avale le verre d'une traite. les larmes lui montent, mais elle les retient, consciente que ça ne ferait qu'empirer la haine de sa mère. "ça brûle..." elle a envie de hurler, de courir loin, de retrouver son père, son petit papa, trop souvent absent. "ça t'apprendra à dire de la merde, petite sotte. et je te préviens, si tu me refais le coup, je te fais avaler la tienne, de merde, histoire que tu te rendes compte de l'arrière goût que ça me laisse."


le silence est tel qu'on n'entend que le bruit du vent dans les branches qui se dénudent, le crissement des feuilles mortes sur le sol. aussi morte que sa mère. elle est là, debout à côté de son père. devant le cercueil que l'on vient de descendre en terre. il pleure, mon dieu ce qu'il pleure. elle n'aurait jamais pensé qu'un homme pouvait contenir autant de flotte en lui. artemis lui tient la main, tout en se tenant droite, dans sa petite robe noire. tout est calculé dans son apparence, comme sa mère le lui a appris. c'est qu'il faudrait voir à faire bonne impression, on ne sais jamais sur qui on peut tomber. pendant l'enterrement, les gens la dévisageaient, guettaient la moindre de ses réactions. une gamine de douze ans qui perd sa mère, on s'attend à ce qu'elle soit dévastée, limite hystérique. alors si en plus elle était présente au moment de l'accident, et qu'elle a vu la tête de sa mère dans le pare-brise... elle revoit la scène, l'accident, en route vers un énième concours. sa mère qui roule vite, comme à son habitude. trop vite. la route légèrement humide, les feuilles mortes. tout ce qu'il y a de plus normal en automne. le virage trop serré. les pneus qui crissent. la voiture qui part dans le décore. artemis, sonnée, assise à l'arrière, bien attachée. sa mère, la tête ensanglantée. ce rouge, qui coule, qui remplie sa vision. et là, juste là, tout au fond de son être, ce sentiment de soulagement qui naît quand elle réalise que sa tortionnaire n'ouvrira plus jamais les yeux. elle est assez grande pour comprendre que ce n'est pas normal de vouloir sauter de joie, mais elle n'en a rien à foutre. elle ne ressent pas de déchirement dans son coeur. oh, à l'enterrement, elle s'est donnée en spectacle, éclatant en sanglot à la première occasion, se blottissant contre son petit papa. tout pour passer pour la gentille petite fille parfaite. elle connaît son rôle sur le bout des doigts. mais maintenant qu'ils ne sont plus que tous les deux et que son père est tout à son chagrin, elle a coupé les vannes de ses larmes, fait tomber le masque et a retrouvé un visage impassible. "papa, on rentre ? j'ai faim." the queen is dead, long live the queen.