blackboard jungle (kate)

— teen attitude, teen problems.

Nunzio, il avait ce teint hâlé et ces yeux bleus qui faisaient craquer toutes les filles. Nunzio, quand il souriait, elle avait l'impression que sa culotte devenait une piscine olympique. Nunzio, c'était le frère d'Anna. Nunzio, il lui a retourné le cerveau dès les premiers instants. Et sa putain de jupe plissée qu'elle détestait tant. Et il lui a suffit d'un salut kathlyn pour qu'elle lui donne tout - impulsive. Il aurait pu passer à autre chose - comme Stella et sa poitrine déjà énorme. Mais à coire qu'il affectionnait les jupes plissées. Vraiment beaucoup. Et ça ne l'a jamais dérangé, Kathlyn. Ni les regards désapprobateurs de ses parents. Ni les punitions pour avoir fait le mur. Parce que c'était puissant. Magique. Enivrant. Parce qu'il était le premier. Parce qu'elle était amoureuse. Et qu'elle aurait fait n'importe quoi. Qu'elle a fait n'importe quoi. Son milkshake banane-chocolat-vanille a eu un drôle de gout. Son soutien-gorge bonnet A est devenu trop petit. Et ses règles anarchiques. Elle ne s'est pas vraiment inquiétée, Kate. Parce qu'elle avait quinze ans et qu'ils l'avaient fait dans la précipitation qu'une fois - ou deux ? Ou trois ? Puis y'a eu la prise de sang. Parce qu'elle a tourné de l'oeil un matin. Que le médecin a cru à un manque de fer. Parce que Kate était vierge et que Kate, elle était si honnête. Jamais elle n'aurait menti. Y'a eu des cris. Beaucoup. Parce que c'était trop tard pour avorter. Parce que ça ne se faisait pas. Nunzio, il a murmuré que c’était magique. Que c’était un petit bout d’elle, un petit bout de lui. Que c’était eux. Il lui a murmuré que ça expliquait sûrement son passage du bonnet A au C. Que même si elle n'avait que quinze ans et lui dix-neuf, ils seraient probablement les meilleurs parents du monde. Il a murmuré que c’était le destin. Elle lui a brisé le coeur quand elle a changé d’avis. Quand elle lui a avoué qu’ils ne pouvaient pas garder un bébé. Qu’ils étaient eux-même des enfants. Que c’était égoïste. Elle lui a dit que Faith serait plus heureuse avec d’autres. Qu’elle serait probablement merveilleuse. Qu’ils ne pouvaient pas la priver d’une belle opportunité. Elle ne lui a pas dit que sa famille lui mettait la pression. Que les regards en coin à Golden Oak la rendait malade. Qu'elle trouvait des petits mots dans son casier. Kate la putain. Kate la salope. Kate la suceuse. Elle ne lui a pas dit qu'Anna ne lui parlait plus. Elle lui a juste dit qu'elle ne voulait pas de ce bébé, qu'elle ne voulait pas d'eux. Elle a tenu la toute petite crevette durant un bref instant, lui murmurant qu’elle l’aimerait toujours où qu’elle soit. Nunzio a baragouiné des trucs en espagnol, la faisant gazouiller. Et on l’a emmené, loin d’eux. Et Kate a perdu son bonnet C. Nunzio sa passion pour les jupes plissées. Elle est partie étudier à Sacramento. Il a disparu de Nevada City, parait qu’il vit à N.Y. Faith a été sciemment oubliée, polaroids dans une boite.

Puis y'a eu Andrew - après quelques étudiants insipides. Andy pour les intimes. Andy, il était le cliché du surfeur made in Malibu. Cheveux mi-longs, blondis par le soleil et le sel de l'océan. Un sourire trop blanc. Une dent de requin autour du cou. Un bronzage approximatif. Le tour de la cheville blanc à s'en aveugler - la leash qu'il grognait quand elle se moquait. Il étudiait les sciences obscures à l'université de L.A - elle n'a jamais assimilé l'intitulé exact, un truc dans la bio-ingénierie. Et il était sympa. Amusant. Pas trop mal - comme un surfeur peut l'être. Et ses parents ne l'appréciaient pas, encore moins sa grande soeur. Et il avait trouvé sa jupe plissée d'halloween fascinante. Elle étudiait l'histoire-géographie et s'était découvert une passion cachée pour l'enseignement - et peut-être une envie despotique de tyranniser des plus jeunes qu'elle. Elle avait relégué au placard son fantasme Lara Croft. Elle vivait en colocation en centre ville. Elle buvait des pintes de bières aussi vite que les allemands. Elle était loin des Pennington et c'était parfait. Andy lui murmurait des je t'aime devant Super 8 avant de la basculer sur le canapé. Elle rentrait parfois à Nevada City. Jamais trop longtemps, angoissant à chaque petite fille blonde aux yeux clairs qu'elle croisait. Ça aurait pu être Faith. Elle s'installait souvent chez sa soeur pour jouer les nounous. Elle murmurait des inepties et des bêtises à ses nièces, tentant d'égayer un quotidien qu'elle soupçonnait morne. Puis elle retournait à San-Francisco. Elle aimait faire tourner les têtes des types en soirée pour mieux se jeter dans les bras de son surfeur de Malibu - ce qu'elle fait encore, la trentaine passée. Elle se laissait entrainer par des idées folles, profitant des lendemains pas trop difficile et la fraicheur des vingt-cinq ans. Routine mouvementée, vie estudiantine, entrecoupée d'histoires dramatiques : Karen trompant Tom avec Doug alors que ce dernier sortait avec Steffy qui lorgnait sur le prof de géo - mais Kate ne l'aurait pas blâmé parce qu'il était de ceux qu'on rêvait de supplier pour une bonne note. Puis le diplôme et les félicitations, officiellement assez mature et cultivée pour gérer un groupe d'adolescents aux hormones en ébullitions. Officieusement totalement angoissée à l'idée.

Silver Creek High. Cauchemar de Nevada City, lieu de perdition. Des adolescents rebelles à foison, une hiérarchie tremblotante, une réputation cauchemardesque. Et elle a été jetée dans la fosse aux lions, petite professeur d'histoire-géographie, trop jolie, trop jeune, trop bonne. Le lycée dont elle avait tellement tendu parlé dans sa jeunesse devenant son enfer personnel. Tout plaquer parce que Brandon avait encore essayé de frapper Travis alors qu'elle tentait de leur parler d'un traité de paix. Parce que Sydney avait décidé d'arrêter de manger à cause de Barbara qui l'avait traité de grosse truie. Ou que Tommy avait pris en photo son décolleté et l'avait diffusé au reste de l'établissement. Mais y'avait aussi Parker qui avait fait une superbe dissertation et voulait obtenir une bourse pour une université de l'IVY. Y'avait Tommy qui lui racontait combien il voulait voyager quand il serait adulte. Y'avait Trish qui venait lui parler régulièrement de sa mère malade et son père absent. Y'avait ces gamins qu'elle aimait. Même Brandon et sa violence. Sydney et ses angoisses. Barbara et son problème d'égo. Tommy et son manque d'affection. Elle est passée de la stagiaire naïve à la prof tolérable. De Mademoiselle à Madame. Andy s'est agenouillé dans le sable de Zuma Beach un été, son bronzage approximatif et ses cheveux maintenant coupés court. Elle a dit oui. Il a trouvé un poste dans un laboratoire prestigieux. Elle a décidé de rester à Silver - tombée amoureuse du bordel omniprésent. Elle a agrandi sa collection de Louboutin, foulant le carrelage miteux de son lycée avec un salaire à chaque pied. Elle est devenue maitre dans l'art de la répartie vache, fouettant de ses mots les plus téméraires. Elle est cette prof qu'ils semblent tous adorer détester. Madame Haynes. Andy a arrêté le surf, troquant les shorts pour les costumes, sa cheville cachée par des chaussettes assorties à sa cravate. Y'a trois ans, elle a trouvé le gout du milkshake banane-chocolat-vanille atroce. Hope a fêté ses deux ans, le sourire aux lèvres, babillant devant son gâteau et sa montagne de cadeaux. Elle joue encore parfois les nounous, se glissant dans la grande villa de sa soeur, se goinfrant de cochonnerie devant Netflix aux côtés de Dana. Elle se surprend parfois à fixer le voisin sortant de sa piscine, l'eau ruisselant sur son corps bronzé. Son sourire en coin, parce qu'il le fait exprès. Elle regarde parfois Super 8 en mangeant des chips, salissant les copies qu'elle corrige. Elle s'extasie quand Hope apprend un nouveau mot. Elle se demande ce qu'aurait été sa vie s'il avait fait des choix différents. Routine d'adulte.