-- des astres

— teen attitude, teen problems.

C’était le premier jour de l’été et la chaleur à l’extérieur était écrasante. Tu quittais Golden Oak Private pour rejoindre les rues animées de Nevada, ton sac à dos sur l’épaule. Tu décidais de ne pas rentrer tout de suite et t’arrêter au Blue Gun. Il était encore tôt et le pub n’était occupé que par des habitués. Tu t’installais au bar et présentais ta carte d’identité falsifiée au gérant qui te dévisagea d’un air suspicieux alors que tu commandais un whisky. Tu te fichais bien de ce qu’il pouvait penser et déposais un billet dépensant largement le prix de la commande sur le comptoir. Tu savais pertinemment qu’il t’avait percé à jour mais aussi que le patron accepterait le pot-de-vin sans trop se poser de questions. Il s’empara de la monnaie en fronçant les sourcil sans dire un mot et t’apporta ta boisson sans plus de conversation. Tu commenças à siroter le liquide ambre qui à défaut de totalement te désaltérer, t’enivrait. Tu dégustais cependant ton verre d’alcool, ne tenant pas à rentrer ivre chez tes vieux. Tu restais assis là un moment sur ce tabouret à contempler les lieux et à observer les gens qui peuplaient l’endroit. Parfois, tu essayais d’imaginer la vie des autres clients. Quel âge pouvait bien avoir ce vieillard accoudé au comptoir ? Pourquoi avait-il le regard triste ? Quel pouvait bien être le métier de cette femme en train de boire un Cosmopolitan et à l’air snob ? Tu tentais de répondre à ces interrogations, fabriquant des carrières et des histoires aux consommateurs du pub. Puis c’est aux alentours de 19 heures qu’il avait débarqué dans ta jeune existence, bousculant ton petit train-train de lycéen. C’était un homme d’une trentaine d’années, habillé de façon très classe et dont l’élégance t’avait immédiatement frappée. Le brun vint s’installer à côté de toi alors que tu faisais mine de rien, regardant ton verre. Il interpella le barman et demanda la même chose que toi. Tu ne savais pas si c’était l’alcool qui commençait de faire son effet ou le charmant garçon qui te donnait chaud, ou les deux. Quoi qu’il en soit, il entamait la conversation, te demandant si tu étais du coin. Tu sentais arriver le traquenard, sûrement parce qu’au fond, tu te rendais compte que tu étais déjà en train de tomber amoureux. Tu répondais poliment et la discussion débuta. Tu appris qu’il était irlandais et tu ne fus pas réellement surpris, il avait un accent et des manières de se comporter différentes que celles des américains que tu côtoyais depuis ton enfance, et cela plu. Ce soir-là, les secondes, les minutes, les heures semblèrent passer à la vitesse de lumière. Tu n’as plus d’yeux que pour lui et son sourire ravageur. Vous parliez de tout et de rien et tu appris qu’il avait été écrivain en Irlande avant de rejoindre les États-Unis. Il te raconta aussi qu’il s’appelait Loebhán et qu’il n’avait jamais mis les pieds dans ton pays auparavant. Vous enchaîniez les verres sans pour autant être saoules. Juste assez pour vous dévoiler un peu plus et être désinhibés. Je crois qu’il avait lu sur ton visage cette envie et ce désir qui t’animaient. Était-ce si évident ? Ce qui était sûr, c’était qu’il lisait déjà en toi comme dans un livre ouvert. Quand il avait évoqué ce besoin de t’embrasser, il avait pu desceller dans ton regard bleuté l’approbation. Le bellâtre s’était alors rapproché et il avait collé ses lèvres aux tiennes. Tu fermais les yeux l’espace d’un instant, priant pour que celui-ci ne s’achève jamais. Hélas, toutes les bonnes choses ont une fin. Ton coeur tambourinait si fort dans ta poitrine que tu avais l’impression que ta cage allait exploser. Pendant une fraction de secondes, tu avais oublié ta petite amie Primrose mais Loe d’avait mis face à une réalité sans le vouloir : tu n’avais jamais ressenti pour elle ce que tu ressentais pour lui. Tu prenais conscience de ton attirance pour cet homme qui devait être ton aîné d’au moins dix ans mais cela ne t’effrayait pas. Tu te sentais bien à ses côtés, à ta place pour la première fois depuis dix-neuf ans. Vous vous compreniez déjà sans avoir besoin de vous parler, déchiffrant le moindre geste, la moindre mimique de l’autre, même quand celle-ci semblait imperceptible. Tu fis mine de t’éclipser aux toilettes et tu savais qu’il comprendrait. En l’histoire de quelques heures, une connexion s’était établie entre vous et le même feu semblait vous stimuler. Il vint te rejoindre dans la pièce exiguë et tout se déroula très vite. Il te plaquait au mur et embrassait ta bouche passionnément et tu lui rendais ses baisers avec la même intensité. Tu discernais son palpitant s’emballer dans sa poitrine quand il vint coller son corps contre le tien. Il parcourait ta peau de ses lèvres et des ses doigts et vous vous déshabilliez. Vous découvriez l’anatomie de l’autre, y déposant des baisers parfois doux, parfois plus incisifs. Loebhán était à la fois précautionneux mais se montrait aussi assez directif avec toi. Il t’incita à te retourner dans cette danse charnelle et te demanda ton assentiment. Tu acquiesça farouchement, tu avais l’impression que tout t’échappait mais ce sentiment de lâcher-prise de faisait du bien. Tu te laissait aller, les paupières closes quand il caressait ton corps et que les choses devenaient de plus en plus intenses. Vous finissiez vos ébats et tu l’embrassais une dernière fois avant de regagner le tumulte du bar. Il te rejoignit, s’empara d’une serviette en papier et sortit un stylo. Il y griffonna son numéro de téléphone et te le tendit. Il t’adressa un sourire, te dévisagea comme s’il tentait d’ancrer chacun de tes traits dans sa mémoire et quitta le Blue Gun.  
Les jours passèrent mais tu n’arrivais pas à effacer Loebhán de ta mémoire. Le morceau de papier était resté plié au fond de ta poche sans que tu puisses te résigner à le composer. Tu ne voulais pas faire souffrir Prim et pourtant, tu l’avais trompé. Tu avais l’impression d’être un traitre de la pire des espèces. Du coup, tu t’efforçais de faire semblant, jouant la comédie mais t’apercevant que plus tu essayais d’être proche d’elle, plus tu semblais t’en éloigner. Loe hantait tes pensées malgré toi et quoi que tu fasses, tout ramenait à lui.